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Communiqué sur la loi N°22/065 du 25 pour les victimes de violences sexuelles…

COMMUNIQUÉ DU CAYP
Sur la loi N°22/065 du 25 décembre 2022, fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.


Rappel

Le GENOCOST est une initiative citoyenne de la plateforme CAYP (Congolese Action Youth Platform ou Plateforme d’actions de la jeunesse congolaise) articulée autour des trois objectifs suivants :

  1. Permettre aux Congolais, non seulement de reconnaître le génocide qui a lieu en République Démocratique du Congo mais aussi de faire reconnaître qu’il est motivé par des enjeux économiques.
  2. Consacrer la date du 02 août de chaque année comme journée de commémoration de toutes les victimes du génocide congolais (le 2 août 1998 étant la date marquant le début de la deuxième guerre du Congo, également appelée guerre mondiale africaine)
  3. Travailler activement sur des solutions pour apporter une paix durable au Congo notamment aux travers, entre autres, des mécanismes tels que suggérés dans le plaidoyer de la justice transitionnelle porté par le Prix Nobel de la paix, le Docteur Denis MUKWEGE.


Discussion sur le parcours de la loi :


Tout d’abord, nous saisissons cette occasion pour porter à la connaissance de l’opinion publique, notre déception sur l’opacité dans laquelle cette loi a été élaborée, votée puis promulguée.
En effet, les initiateurs et concepteurs de la loi ont péché par omission, du fait de ne pas avoir inclus dans le débat, les acteurs de la société civile qui œuvrent au quotidien, et ce depuis des années sur la question du génocide que vivent les congolais.
Associations de la société civile parmi lesquelles le CAYP, qui s’est vu purement et simplement écarté, malgré ses actions concrètes sur le terrain depuis plusieurs années maintenant, et en dépit de son expertise qui lui confère le statut de précurseur.
Qu’à cela ne tienne, le CAYP tient à remercier l’ensemble des acteurs qui ont œuvré de prêt ou de loin, dans l’ombre comme dans la lumière afin de rendre possible cette loi, qui est le prémice sur ce long chemin menant à la justice et la paix durable en RDC.

Commentaires et propositions de CAYP au sujet de cette loi :

a. Tout en saluant le choix judicieux des concepteurs de cette loi à faire mention du GENOCOST au point (i) de son article 2, nous faisons néanmoins observer que la définition retenue est incomplète, et invitons donc l’opinion à consulter nos plates-formes numériques (www.genocost.org) et supports mis à disposition afin de mieux comprendre notre engagement.

b. Le CAYP tient à préciser que conformément à l’un de ses objectifs rappelé ci-haut au point 3, il a toujours été non seulement disponible pour participer à des solutions mais aussi favorable à la mise en œuvre des mécanismes transitoires ou compensatoires, visant à améliorer un tant soit peu les conditions des vies des victimes.

c. Le CAYP tient à préciser qu’il ne prendra part ni de près ni de loin à la gestion des finances prévues pour les réparations des victimes. Néanmoins, ces membres ne ménageront aucun effort pour veiller aux droits des victimes.

d. Dans le même ordre d’idée, sur le volet relatif à la construction des stèles et monuments en mémoire des victimes, là aussi le CAYP invite l’état congolais à la responsabilité afin d’ériger ces lieux sur toute l’étendue du territoire national, de telle sorte que la mémoire collective s’imprègne de cette tragédie pour qu’au final aucun congolais n’oublie cette épisode sombre de notre histoire en tant que peuple.

Le CAYP, soucieux de faire avancer les actions à destinations des victimes du génocide congolais émet les observations ci-dessous pourvant être considérées comme faiblesses de la présente loi :

Elle pourrait consacrer l’impunité : le texte tel qu’il a été rédigé élude de façon tragique la question des auteurs des crimes. En effet, le CAYP considère qu’une réparation ne peut se fonder que sur la base d’une démarche de justice ayant pour finalité, la prise en compte de l’intérêt de la victime, dont le point de départ est la caractérisation du préjudice subi et la définition de la sanction pénale qui s’appliquera sur son auteur.

Elle pourrait être discriminante : ce projet de loi va à l’encontre du principe d’équité avec pour risque d’anéantir l’inclusion des victimes de toutes les atrocités. Pire, il hiérarchise les souffrances. Les parlementaires congolais, en adoptant cette loi, font le choix de privilégier une catégorie de victimes au détriment d’autres.

Elle risquerait de porter atteinte à la dignité des victimes ciblées : cette loi porte atteinte au principe de personnalité et au caractère spécifique de la souffrance d’une victime. Il est à craindre que toutes les victimes de violences sexuelles liées aux conflits et ceux des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité soient mis dans des parcours d’accompagnements à la réinsertion avec une approche de globalisation, qui dilue le caractère particulier du préjudice subi. Rien n’est d’ailleurs mis en œuvre pour isoler les auteurs présumés des violences du dispositif d’aide.

Elle pourrait être antipatriotique : la rapidité avec laquelle ce texte a été élaboré nous fait questionner sur sa finalité réelle. Le CAYP craint que la mise sur pied de cette loi réponde à un agenda politique caché. Il y voit une volonté manifeste d’une récupération de la souffrance d’un groupe des victimes à des fins électoralistes. Le CAYP rappelle que la justice doit être rendue au nom de l’intérêt général et non par la charité d’une poignée d’individus. La société congolaise dans son entièreté à travers ses institutions doit reconnaître l’importance accordée à la dignité des victimes par le biais d’un processus holistique et inclusif.

Le CAYP, en tant que précurseur de cette initiative citoyenne, est déterminé à participer à l’avènement d’un Congo nouveau dans lequel tout le monde puisse se guérir du poison de la violence où chaque victime puisse se rétablir dans la dignité.
En définitive et dans un esprit patriotique, nous formulons les recommandations suivantes :

  • Qu’un complément de cette loi soit élaboré dans un délai raisonnable pour inclure et organiser les conditions d’un parcours judiciaire sur mesure pour les victimes avec une institution judiciaire réformée puis une juridiction spécialisée en matière de génocide.
  • La formation des acteurs et animateurs des instances d’accompagnement des victimes sur des disciplines de soutien psychologique, d’assistance sociale et d’expertise psychiatrique.
  • La mise en place sans tarder d’un mécanisme de réparation holistique, basé sur la justice transitionnelle, tel que préconisé dans le rapport mapping.

Fait à kinshasa le 07 Mars 2023


Le collectif CAYP (GENOCOST)

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